SEMS Social corner

Bel Loïc, Wenger Nathalie, Carrard Justin, Eggel Yan, Tercier Stéphane, Gojanovic Boris

Inauguration d’une collaboration

Elle avait été annoncée, et elle s’est réalisée. En avril dernier [1] il avait été annoncé que, dans le cadre d’une collaboration francophone, la SEMS et Le Réseau Santé & Sport allaient se déplacer chez nos voisins français au congrès conjoint de la Société Française de Traumatologie du Sport (SFTS) et de la Société Française de Médecine de l’Exercice et du Sport (SFMES) à Toulon (Figure 1). L’occasion de débuter une nouvelle collaboration internationale sur le plan scientifique et clinique et de promouvoir les échanges entre les sociétés. Le principe de base étant que le pays «invité» présente sa propre session sur un sujet de son choix, pour enrichir le congrès. Notre première délégation s’est donc attelée à cette mission et a choisi d’animer une session de deux heures autour de la santé et la performance chez les adolescents sportifs.

Une délégation interprofessionnelle

Emmenés par les Drs Boris Gojanovic (président de la SEMS) et Stéphane Tercier (président du Réseau Romand Santé & Sport et responsable du Centre SportAdo du CHUV), les Drs Nathalie Wenger (Centre SportAdo et membre du comité de la SEMS), Justin Carrard (Centre SportAdo et membre du comité du Réseau Romand Santé&Sport), Yan Eggel (Hôpital du Valais et membre du comité du Réseau Romand Santé & Sport) et Mr Loïc Bel (physiothérapeute du sport à Bulle et membre du comité du Réseau Romand Santé & Sport) – venaient compléter le groupe.

Figure 1: Affiche du 16e congrès conjoint SFTS-SFMES du 20 au 22 septembre 2023 à Toulon.

«Health for performance chez l’adolescent sportif», c’était le nom de notre session qui visait à parcourir de manière vaste les différents sujets en lien avec ce thème. Traumatologie chez les adolescents, pathologies de surcharge, RED-S (Relative Energy Deficiency in Sports), surveillance des blessures aux JOJ de Lausanne, prévention des blessures et bien sûr la présentation des réflexions en lien avec le concept
Health for Performance [2]. Les thèmes étant fixés, il ne restait ensuite plus qu’à attendre le 20 septembre, et se rendre à Toulon…

Par Toutatis!

Et que serait un trajet en train sans se poser la question du retard? Le début de la session était programmé à 17h00. Et c’est avec grand optimisme que quatre des six orateurs avaient décidé de prévoir leur trajet de façon à arriver à 15h00. Deux heures de marge étaient en fait limite… Mais non, contre toute attente ce n’est pas la SNCF qui aura été coupable du petit facteur stress qui eût lieu mais… un sanglier qui avait malencontreusement percuté la locomotive du TGV! Heureusement, ce petit incident fût sans conséquences et aucune correspondance ne fût loupée. Nous arrivâmes donc à l’heure et en grande forme pour notre session «de la nation invitée».

Et maintenant… au boulot!

Ce fût avec grand plaisir que la session débutait devant une salle comble! L’intérêt pour la médecine du sport chez les adolescents? Nos collègues français ont répondu présents ­(Figure 2). Deux fois trois présentations de quinze minutes suivies d’une table ronde de la même durée, c’est ce qui était au programme. Le nombre de questions posées durant les sessions des tables rondes ont prouvé que ces dernières auraient pu durer bien plus longtemps et que les collègues français démontraient un très grand intérêt pour le sujet. Et nous avons par ailleurs été frappé par la jeunesse de l’assemblée. Nous pouvons donc en conclure que cette nouvelle génération de médecins du sport français se montre grandement intéressée et motivée à développer des approches identiques à celles que nous avions amenées pour s’occuper de leurs jeunes sportifs et sportives. Nos connaissances et astuces cliniques ont en ravi plus d’un, montrant le manque de formation de leur part en ce qui concerne la prise en charge de cette «population» particulière, mais hautement passionnante, de sportifs.

Figure 2: L’équipe des experts suisses de la médecine de adolescents (manque Boris Gojanovic, photographe).

L’ovalie dans son élément

Le reste de ce congrès a vu plusieurs présentations sur le rugby se succéder. Ce thème coïncidant bien avec la Coupe du Monde qui battait son plein, la ferveur pouvait d’ailleurs se ressentir lors du match de l’équipe de France qui eût lieu lors de la soirée du congrès! C’était donc l’occasion de découvrir le ballon ovale sur son aspect plus médical, notamment avec des traumatismes dignes de films d’horreur (!) mais aussi de parcourir d’autres sessions variées. Parmi celles-ci: sport et femme, l’utilisation de l’échographie et de l’imagerie en médecine du sport, et traumatologie du rugby.
Voici les quelques points importants retenus par notre équipe:

1. Sport et femme

  • • Grand intérêt pour ce sujet très en vogue.
  • La France est un peu plus avancée dans la physiothérapie post-partum qui est prescrite très souvent d’office, mais l’on constate toujours un manque de connaissances et de guidelines claires pour accompagner les athlètes/femmes sportives dans leur retour au sport après grossesse.
  • La collaboration avec les centres de sport-études (notamment de danse) reste aussi délicate et timide que chez nous, en ce qui concerne le fléau de la pression sur le poids et l’IMC chez ces athlètes.
  • Nos collègues Français se plaignent aussi du manque de collaboration et de connaissances avec et par les gynécologues – qui comme chez nous – masquent souvent les aménorrhées des athlètes en RED-S, en prescrivant la pilule contraceptive tout en croyant à tort protéger ainsi leur os. C’est avec grand plaisir que nous saluons le développement en Suisse de la gynécologie du sport dans le cadre de la collaboration avec les médecins du sport et Swiss Olympic. Les français s’attellent aussi à avancer dans ces échanges avec la gynécologie.

2. Imagerie du sportif et utilisation de l’échographie en ­médecine du sport

  • Screening obligatoire en France des joueurs de rugby de haut niveau avec IRM cervicale avant signature d’un contrat. Des critères d’analyse clairs existent pour imposer soit une contre-indication au jeu, soit une opération de stabilisation.
  • Diagnostic des lésions musculaires et nerveuses à l’échographie: critères échographiques bien précis et décrits lors de ces sessions.
  • Injection intramusculaire de toxine botulinique (botox) en cas de tendinopathie afin de «détendre le muscle» et pour effectuer un meilleur renforcement dans les tendinopathies résistantes au traitement classique de renforcement. En cas de tendinopathie résistante au traitement de mise en charge (tendon loading), une infiltration intramusculaire de toxine botulique peut réduire la tension musculaire et induire une antalgie via la sécrétion de substance P, ce qui permettrait de mieux effectuer le traitement de physiothérapie.

3. Faut-il opérer une première entorse de cheville ?

  • Session commune entre médecins du sport, chirurgiens orthopédiques et physiothérapeutes. Et qu’en ressort-il, de cette question? Comme souvent… ça dépend. Si le ligament talo-fibulaire antérieur n’est pas un grand contributeur à la stabilité «fonctionnelle» de la cheville, peut-être que la question est plus appropriée pour le ligament calcanéo-fibulaire qui y contribue grandement.
  • Ce qui est sûr, c’est qu’opérées ou non, ces chevilles doivent être testées pour le retour au sport. Et le Ankle-Go Score – qui vient d’être validé et est disponible sur une application dédiée [3] – se compose de questionnaire et de tests physiques, semble être d’un intérêt certain pour aider à décider du retour au sport des athlètes testés à quatre mois. Un pas de plus dans la bonne direction!

Les opportunités et les échanges

Au-delà des excellents contenus dont nous avons pu bénéficier (et auxquels nous avons contribué), nous avons pu prendre le temps d’observer les particularités de ce congrès français, et nous avons apprécié la «French touch» sur les points suivants:

  • La réunion de deux sociétés qui ont eu des chemins de développement parallèles (l’une axée sur la traumatologie du sport, l’autre sur la médecine du sport et de l’exercice) permet un certain mélange des genres, plutôt civilisé. Si les deux sociétés restent bien séparées, le congrès présenté reste fluide et inclusif des membres respectifs.
  • Les jeunes médecins du sport en formation sont salués lors de la cérémonie d’ouverture, avec la remise de leur diplôme en plénum. Ils sont conviés à une partie finale de leur formation en marge du congrès, et ceci permet de les avoir tou·te·s présent·e·s le jour J. Clairement un plus pour l’intégration des jeunes collègues. Certainement un point à considérer pour notre organisation en Suisse.
  • Nous n’étions pas les seuls invités étrangers à cette occasion, car les présidents des sociétés belge (Wallonie), camerounaise et québécoise étaient aussi présents. Les discussions ont ouvert des portes pour la poursuite des échanges dans le futur (Figure 3).
Figure 3: Les présidents à la plage. Avec de gauche à droite: Romain Rousseau (past président SFTS), Nicolas Graveleau (trésorier SFTS), Hervé Collado (vice-président SFTS), Olivier Courage (président SFTS), Luc De Garie (président Association Québécoise des Médecins du Sport et de l’Exercice-AQMSE, http://www.aqmse.org), Alain Frey (past président SFTS), Nicolas Vandenbalck (président de la Société Belge Francophone de Médecine et des Sciences du Sport – SFMSS, http://www.sfmss.be), Camille Choufani (comité scientifique congrès – SFTS) et Boris Gojanovic (président SEMS).

Tu tires ou tu pointes?

Et que serait un congrès sans ses traditionnelles soirées? Et qui dit tradition dans le sud dit… la pétanque! La soirée des jeunes médecins dans un bar boulodrome avec terrains de pétanque au fond du bar fût un sacré moment. Il faut dire que notre équipe de «petits Suisses» doit encore entrainer le petit «cassage» de poignet pour entrer en compétition avec les meilleurs (Figure 4). Vivement le prochain congrès dans le sud afin que nous puissions montrer que s’entrainer paie.

Figure 4 et 5: Les petits suisses s’essaient à la pétanque et au selfie lors des soirées animées du congrès de Toulon.

Malgré ces différences… tous les mêmes

Des thèmes donc divers et parfois moins connus du fait de leur spécificité, des sujets plus communs abordés d’un autre point de vue; c’est l’étendue du programme qui était proposé lors de ce congrès.
Les façons de faire sont parfois différentes, d’autres fois elles sont similaires, mais les problématiques rencontrées restent les mêmes. Manque de financement, de temps, peu de collaboration, interdisciplinarité parfois, voire souvent, difficile à mettre en place… Les inquiétudes et préoccupations de nos collègues français, et plus largement francophones (les présidents des sociétés belge, camerounaise et québécoise étaient aussi présents) restent similaires à celles que nous rencontrons également en Suisse. Rassurant? Inquiétant? C’est peut-être là qu’une collaboration francophone trouvera toute sa place et intérêt. Qui sait? L’expérience de nos voisins et le fait d’échanger avec eux nous permettra potentiellement de trouver des solutions à tous ces problèmes frustrant mais communs.

La fin, mais aussi le début

Cette expérience nous a donc au final permis de constater que la médecine du sport chez les adolescents avait de l’intérêt auprès de nos collègues francophones, peu formés dans ce domaine. Ceci nous a permis de parler à une salle comble et d’interagir énormément avec un public motivé et curieux lors de la séance de questions. Et la jeunesse de l’auditoire fût vraiment quelque chose de frappant; cette nouvelle génération française était motivée et présente en grand nombre durant le congrès. La volonté des organisateurs de créer un programme pour les futurs médecins en les impliquant dans certains processus décisionnels et dans le choix du programme du congrès a certainement participé à attirer beaucoup de jeunes collègues, et cette perspective est réjouissante pour l’avenir. Nous le faisons aussi d’ailleurs au sein de la SEMS avec une membre de la Junior SEMS présente dans le comité.
Plus généralement, cette première expérience a donc été un succès et a permis d’ouvrir des portes pour de futures collaborations.
Un grand merci à nos collègues français pour le leader­ship dans cette nouvelle collaboration, et en tout particulier au porteur de ce projet, le Dr Alain Frey. Nous nous réjouissons d’accueillir ces sociétés francophones lors d’un prochain congrès SEMS.

Correspondance

Monsieur Loïc Bel
Movare
Rue de la Condémine 52, 1630 Bulle
Email: loic.bel@movare.ch

References

  1. Gojanovic, B., & Tercier, S. (2023). Les suisses en force au congrès français de Toulon 2023. Sports & Exercise Medicine Switzerland. https://doi.org/10.34045/SEMS/2023/9
  2.  Gojanovic, B., & Tercier, S. (2020). Health for Performance: a necessary paradigm shift for youth athletes. Sports & Exercise Medicine Switzerland. https://doi.org/10.34045/SEMS/2020/16
  3.  Picot, B., Lopes, R., Rauline, G., Fourchet, F., & Hardy, A. (2023). Development and Validation of the Ankle-GO Score for Discrimi­nating and Predicting Return-to-Sport Outcomes After Lateral
    Ankle Sprain. Sports Health: A Multidisciplinary Approach, 19417381231183647. https://doi.org/10.1177/19417381231183647

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