Un stage de médecine aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, vraiment?
Claret Marion, Lanyan Audrey, Fricker Céric
Faculté de biologie et de médecine, Université de Lausanne (UNIL) et Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
La clinique médicale des JOJ
L’attribution des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) à Lausanne a déclenché dans toute la Romandie un engouement extraordinaire pour la préparation des Jeux, avec la volonté affirmée de faire des Jeux pour les jeunes, avec les jeunes et par les jeunes. En tant qu’étudiant-e-s en médecine, nous avons eu le privilège de participer aux JOJ du 4 au 24 janvier 2020; un groupe de 20 étudiant-e-s en 6e année ont eu l’occasion d’effectuer un stage de médecine du sport, validé dans le catalogue de l’année à option, dans le cadre de la troisième édition hivernale des Jeux Olympiques de la Jeunesse à Lausanne, plus connus sous l’appellation Lausanne 2020.
Le stage s’est axé sur une expérience clinique, pédagogique et organisationnelle inédite.
Du point de vue clinique, les étudiant-e-s ont pu suivre les consultations médicales sous l’encadrement des médecins du sport expérimentés au sein de la clinique médicale du village olympique, le Vortex. Le spectre de pathologies vues pendant ces trois semaines était très large, incluant de la traumatologie, des réactions allergiques et des atteintes respiratoires ou gastro-intestinales, sans oublier l’accent particulièrement important mis sur la prévention.
Ces situations médicales étaient particulièrement spéciales, car elles avaient un impact direct sur les performances de l’athlète, qui avait souvent une ou plusieurs compétitions les jours suivants. Ceci diffère largement des contextes habituels de consultations auxquels nous sommes habitués, de par la nécessité d’adaptation rapide et de solutions immédiates. Ces prises en charge devaient également s’intégrer dans le respect des conditions strictes des règlements anti-dopage. En effet, de nombreuses substances ou méthodes thérapeutiques que nous avons l’habitude d’utiliser dans des consultations urgentes se trouvent sur la liste des produits et méthodes interdits. Il convenait donc de trouver des alternatives thérapeutiques autorisées et efficaces. Nous avons été confrontés à un tel cas, avec l’arrivée d’un athlète qui a fait une réaction allergique: il s’est présenté uniquement avec une urticaire généralisée persistant malgré un traitement anti-histaminique qu’il avait déjà pris. Les corticostéroïdes systémiques, qui sont habituellement utilisés, ont été évités initialement, car ils figurent sur la liste des médicaments interdits. Le médecin de son équipe a été informé de la situation et a demandé qu’on essaye d’attendre son arrivée et si possible, éviter la cortisone, mais que si l’état se péjorait, qu’il fallait l’administrer. Son état clinique s’est péjoré avec l’apparition d’une dyspnée et un œdème facial. On a posé une voie veineuse et administrer un anti-histaminique i.v. et les corticostéroïdes qui ont vite permis de rétablir une situation stable. Le patient a été transféré au CHUV pour une surveillance de quelques heures avant de revenir au Vortex, complètement rétabli. Dans certains cas, cela n’était pas possible et il était nécessaire de faire une demande de dérogation pour pouvoir soigner l’athlète sans qu’il soit pénalisé dans ses JOJ.
Cela nécessitait aussi de communiquer avec le médecin et/ou le staff accompagnant de l’athlète afin d’informer sur sa santé et sur les conséquences ou le suivi nécessaires pour la suite des compétitions.
Pour traverser ces prises en charge, les étudiant-e-s ont eu l’occasion d’être supervisé-e-s par différents médecins spécialistes (chirurgie, orthopédie, radiologie, pédiatrie) et corps de métiers de la santé (physiothérapeutes, chiropraticiens, dentistes, podologues).
Lors de traumatismes nécessitant des examens radiologiques complémentaires (radiographies, IRM, CT), les étudiant-e-s étaient chargé-e-s d’accompagner les athlètes auprès des deux institutions hospitalières de référence (Hôpital de l’Enfance de Lausanne – HEL, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois – CHUV). Cela a permis aux athlètes d’avoir un suivi tout le long de leur prise en charge, facilitant cette dernière. Les étudiants ont pu transmettre les informations médicales nécessaires aux médecins et soignants dans les hôpitaux, tout en participant à la prise en charge complète de l’athlète, de son arrivée au Vortex, jusqu’à son départ.
La prévention aux JOJ
A propos de la prévention, les étudiant-e-s ont eu l’occasion de discuter avec les athlètes qui consultaient, afin de leurs prodiguer quelques conseils préventifs. Bien sûr il a été questions de blessures, mais aussi d’aspects annexes tels que la santé sexuelle, ou encore les soins dentaires. A cet effet, des préservatifs gratuits étaient à disposition pour les athlètes, qui pouvaient venir se servir lorsque la policlinique était ouverte. Les contrôles dentaires offerts sur place ont aussi pu être promus dans ces échanges.
Un accent tout particulier a été mis sur l’importance de la santé publique, notamment en raison d’une alerte au norovirus dès les premiers jours de la manifestation. La dissémination de ce virus hautement contagieux, causant une gastro-entérite sévère, au sein des délégations d’athlètes aurait été catastrophique. Outre les informations professionnelles que nous avons reçues sur les mesures préventives et de désinfection, des campagnes de prévention pour l’hygiène des mains ont été mises sur pied très rapidement, en particulier une «flash-mob» animée sous forme de chorégraphies au sein du Vortex. En parallèle, des mesures d’isolement ont dû être prises pour certaines personnes.
Les étudiants ambassadeurs et animateurs Health for Performance
Les étudiant-e-s ont pu promouvoir le sport et l’activité physique grâce aux activités présentes dans l’igloo «Health for Performance» qui se trouvait devant la patinoire de Malley, site des compétitions de hockey sur glace. Divers stands, comme par exemple, la réalité virtuelle avec le programme «Deep Impact» et des clips vidéo de prévention sur les blessures et les maladies, ont permis aux étudiant-e-s de rentrer en contact et de transmettre des informations de prévention à la population générale, les jeunes en particulier. Cela a permis à de nombreux élèves de différentes écoles en Suisse romande de venir approfondir leurs connaissances sur le sport et les risques associés. Ils ont aussi pu faire des tests d’équilibre, d’explosivité et de force afin de découvrir quels étaient leurs domaines de prédilection et ceux nécessitant plus d’entrainement, le tout dans un environnement ludique et dans la bonne humeur. Le but d’«Health for Performance» n’était pas d’être axé uniquement sur les performances sportives en soi, mais de transmettre un message de santé globale mettant en avant l’importance du sommeil, de la nutrition, de la préparation physique adéquate, des étirements et de l’hygiène dentaire.
Concernant le jeu «Deep Impact», le but était de sensibiliser non seulement les jeunes mais aussi leur entourage à la symptomatologie de la commotion cérébrale qui est souvent peu spécifique et donc banalisée lorsqu’elle est méconnue. Une prise en charge adéquate permet aux patients, enfants ou adultes, de mieux se rétablir et de diminuer le risque de séquelles au long terme. Cela est fait grâce à de nombreux intervenants qui travaillent en interdisciplinarité et permettent au patient d’avoir un suivi régulier et un soutien à chaque étape de réhabilitation qu’il traverse.
Une formation continue interdisciplinaire en immersion
D’un point de vue académique, les étudiant-e-s ont reçu de nombreuses formations de la part des différents corps de métiers. Celles-ci se présentaient sous forme de cours ou d’enseignement pratique. En fonction des horaires au Vortex, les étudiants ont participé à différentes formations, comme par exemple, les examens cliniques ostéo-articulaires, les soins de podologies, le traitement de plaies, les soins dentaires spécifiques au sport, la lecture d’imageries, ainsi que de nombreuses présentations de cas clinique intégrant une réflexion multidisciplinaire entre les divers corps de métiers présents sur le site.
En plus de ces formations, il y avait un programme académique officiel avec, deux conférences quotidiennes sur divers thèmes en médecine du sport. Ces présentations étaient aussi ouvertes aux équipes médicales de chaque pays, permettant un partage de connaissances très diversifiées et intéressantes.
De plus, chaque étudiant-e a eu l’occasion d’aller sur le terrain pendant une journée pour découvrir les infrastructures médicales mises en place sur les sites ainsi que le déroulement des prises en charge.
Notre rôle dans l’équipe
D’un point de vue organisationnel, les étudiant-e-s ont été responsabilisé-e-s et ont participé à la mise en place et au démontage de la policlinique éphémère. Comme mentionné plus haut, ils ont aussi accompagné les athlètes à l’HEL ou au CHUV afin de faciliter leur prise en charge. Et pour terminer ce stage incroyable et unique, ils ont organisé le «debriefing» final pour l’ensemble du team médical du Vortex, le tout accompagné d’un apéro et de jeux sur le thème: «Les douze travaux d’Hercule.»
Au nom de tous les étudiant-e-s en médecine, nous tenons à remercier tout particulièrement la Dre Nathalie Wenger et le Dr Stéphane Tercier (médecin responsable de la clinique médicale) de nous avoir offert la possibilité de faire ce stage validé et de nous avoir fait découvrir la médecine «olympique» pendant un mois entier. Nous tenons aussi à remercier le directeur de l’école de médecine, le Prof. Pierre-Alexandre Bart, qui nous a permis de participer à cette belle aventure qui s’est présentée à nous dans le cadre de nos stages de 6e année.



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Marion Claret
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Email: marion.claret@bluewin.ch
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