Original article

Découverte du Ligament antérolatéral du genou: Qu’en est-il en 2017?

Choudja Ouabo E1,2, Sonnery-Cottet B2
1 Clinique Bois-Cerf Lausanne, Cabinet Médical, Chemin des Croix-Rouges 2, 1007 Lausanne, Suisse. Fellowship soutenu par une bourse de la Société Suisse d’Orthopédie.

2 Ramsay Générale de Santé, Hôpital privé Jean Mermoz, Centre Orthopédique Santy, Centre d’Excellence FIFA, 24, Avenue Paul Santy, 69008 Lyon, France.

Abstract

In 2013, the publication of Steven Claes [1] on the anterolateral ligament (ALL) in the “Journal of Anatomy” caused an important media buzz, highlighting a “new knee ligament”. The problem for the surgeons in 2017 is therefore whether this ALL is really a ligamentous structure in its own right, if it has a role in the rotatory control of the knee and especially if it must be restored during a reconstruction of the ACL.

Résumé

En 2013, la publication de Steven Claes [1] sur le ligament antérolatéral du genou (LAL) dans le « Journal of Anatomy » a entrainé un buzz médiatique important, mettant en lumière un « nouveau ligament du genou ». La problématique des chirurgiens en 2017 est donc de savoir si ce LAL est réellement une structure ligamentaire à part entière, s’il a effectivement un rôle dans le contrôle rotatoire du genou et surtout s’il doit être restauré lors d’une reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA).

Historique

Le LAL a été décrit pour la première fois en 1879 par un chirurgien français, Paul Segond [2]. Lors de dissections de genoux cadavériques, il a noté la présence d’une «bande fibreuse nacrée, résistante formant la partie antéro-externe du surtout fibreux articulaire. Cette bande exerce une traction violente sur son point d’insertion lors de la rotation interne forcée de la jambe. Ce n’est jamais le tubercule de Gerdy qui cède mais la portion d’os située immédiatement en arrière». C’est à partir de ces observations que ce chirurgien laissera son nom à la fracture de Segond dont la localisation a récemment été confirmée [3]. Cette structure a ensuite été en grande partie oubliée, jusqu’à ce que Jack Hughston publie plusieurs articles sur les différents types d’instabilité rotatoire du genou en 1976 [4,5]. Il parlait d’un «mid-third lateral capsular ligament» inséré sur le ménisque latéral et divisé en structure ménisco-fémorale et ménisco-tibiale. Selon
Hughston, «ce ligament capsulaire» était «strong and supported superficially by the iliotibial band» et jouait un rôle important dans «la stabilité antérolatérale du genou». En 1986, Terry et al. ont de nouveau parlé d’une structure anatomique située à la face profonde du fascia lata agissant comme «un ligament antérolatéral du genou» [6]. Cette structure a été ensuite confirmée par Vieira puis récemment individualisée par de nombreuses équipes [1,7].

Anatomie

En 2016, nous avons décrit dans «Arthroscopy Techniques» une technique simple et reproductible pour disséquer le LAL (Fig. 1), facilitant ainsi son identification [7]. Ceci nécessite de débuter sa dissection par l’insertion tibiale. La désinsertion distale du biceps fémoral individualise le ligament collatéral latéral, ce qui permet de retrouver dans tous les cas le LAL qui lui est toujours superficiel. En flexion-rotation interne maximale du tibia, le LAL est mis en tension et très facilement identifié. Finalement, c’est surtout l’insertion fémorale du LAL qui est restée très longtemps un sujet de controverse. Un consensus se dégage actuellement pour confirmer une position proximale et postérieure par rapport à l’épicondyle [1,8,9].
A proximité de l’interligne articulaire, le LAL a des extensions sur le ménisque latéral et sur la capsule antérolatérale, puis la majorité de ses fibres s’insèrent distalement en éventail sur le tibia entre la tête de la fibula et le tubercule de Gerdy. La largeur de son insertion tibiale est de plus de 10 mm [9, 11]. Cette dernière est située en moyenne à 21,6 mm en arrière du tubercule de Gerdy et à 23,2 mm en avant de la tête du fibula [1]. Cette insertion se trouve distalement à 10 mm de l’interligne articulaire [1,10].

Figure 1: Image de dissection anatomique cadavérique du LAL

Reconstruction combinée du LCA et du LAL (Fig. 2) [12].

Nous adoptons comme greffe les tendons du sémi-tendineux (ST) et gracilis (G) prélevés à l’aide d’un stripper ouvert pour garder intacte leur insertion tibiale. Le ST est triplé de façon à obtenir une longueur de 12 cm à partir de son insertion tibiale, il sera utilisé pour reconstruire le LCA. Le gracilis est ensuite détaché de son insertion tibiale, utilisé en partie pour quadrupler le ST et faufilé à son extrémité distale pour reconstruire le LAL. Un greffon de LCA d’un diamètre de 8 à 10 mm est ainsi obtenu.
Trois incisions cutanées infra-centimétriques sont réalisées pour préparer les sites d’insertion du LAL: en avant la tête de fibula et en arrière du tubercule de Gerdy pour le tibia. Deux tunnels communiquant de diamètre 4,5 mm sont ensuite réalisés à partir de ces points afin de reproduire l’insertion tibiale du LAL. Une 3ème incision est réalisée au fémur, postérieure et proximale par rapport à l’épicondyle. A l’aide d’un fil, on vérifie la non-isométrie de ces 3 points lors de la mobilisation du genou, tendu en extension et détendu en flexion.
Le tunnel tibial du LCA est réalisé d’une manière classique. A l’aide d’un viseur OUT-IN, le tunnel fémoral du LCA est positionné en regard du point isométrique fémoral c’est-à-dire proximal à l’épicondyle, correspondant à l’insertion fémorale du LAL. Après avoir passé le transplant du LCA de bas en haut, ce dernier est fixé par une vis d’interférence au niveau tibial et fémoral.
Le brin faufilé de gracilis est passé en sous-cutané et sous le fascia lata et récupéré à travers l’incision supéro-latérale du tibia puis à l’aide d’un fil relais, on le fait sortir du tunnel tibial antérieur. Il sera ensuite récupéré à travers l’incision proximale en regard de tunnel fémoral pour être suturé sur lui-même. Ce transplant est fixé en extension complète par une vis d’interférence au niveau du tunnel tibial antérieur assurant une non-isométrie favorable et surtout une rotation tibiale neutre.

Figure 2: Image de reconstruction combinée du LCA et du LAL

Résultats cliniques

La «redécouverte» du LAL a réorienté l’attention des chirurgiens orthopédistes sur les structures périphériques du genou pour le contrôle de l’instabilité rotatoire. La littérature a démontré que la ténodèse latérale associée à la reconstruction du LCA pouvait réduire cette instabilité rotatoire mais n’avait pas forcément d’influence significative sur les résultats cliniques. Le seul article présentant des résultats cliniques après reconstruction combinée du LCA et du LAL est notre série en 2015 [12]. 92 reconstructions du LCA associées à une reconstruction percutanée du LAL ont été réalisées. Le tendon du semi-tendineux était utilisé pour le LCA et le gracilis pour la reconstruction percutanée du LAL en double faisceau afin de reproduire sa forme triangulaire avec une large insertion sur le tibia. Le suivi moyen était 32,4 mois [24–39]. L’évaluation préopératoire objectivait 47 patients avec un pivot-shift grade 1, 22 patients avec un grade 2 et 23 patients avec un grade 3. Après l’opération, 81 patients avaient un pivot-shift négatif et 10 patients avaient un grade 1.
Il n’y avait aucune complication spécifique liée à la technique chirurgicale et seulement 1 patient a eu une rupture de greffe du LCA un an après la reconstruction alors que 6 patients ont eu une rupture controlatérale du LCA. Une étude rétrospective de plus de 600 patients opérés entre 2011 et 2014 d’une rupture du LCA et suivi pendant 40 mois, a confirmé ces résultats. Nous avons trouvé un taux de re-rupture significativement plus faible dans le groupe avec une reconstruction combinée LCA+LAL qu’en cas de ligamentoplastie isolée du LCA par tendon rotulien où par ischio-jambiers.
Ces excellents résultats sur la stabilité et la fonction, la simplicité de la technique opératoire, le préjudice cosmétique limité grâce à une technique percutanée et le faible taux d’échec nous ont conduit à étendre considérablement nos indications au cours des 5 dernières années. Nous effectuons maintenant cette reconstruction combinée dans près de 50% des reconstructions du LCA. Notre conviction est que cette technique combinée permet non seulement un meilleur contrôle de l’instabilité rotatoire, mais agit aussi en réduisant le taux de re-rupture chez les patients à haut risque (patients moins de 20 ans, haut niveau, sport-pivot, compétition, lateral notch …).

Conclusion

Notre expérience, avec plus de 1000 patients opérés par la technique de reconstruction combinée de LCA + LAL, a montré de bons résultats cliniques sans complications spécifiques liées à cette reconstruction du LAL. Au-delà d’un contrôle rotatoire satisfaisant, c’est en raison d’un taux de re-rupture significativement plus faible par rapport aux techniques de reconstruction isolée (DIDT ou TR) que nous avons étendu nos indications. L’absence d’un groupe témoin et la nécessité d’un suivi plus long nous ont poussés à lancer une étude prospective randomisée.

Conflits d’intérêt

Dr. Sonnery-Cottet est Consultant Arthrex

Corresponding author

Dr. Eric Choudja Ouabo

Chirurgie orthopédique et traumatologie FMH
Chirurgie du genou

Cabinet Médical
Chemin des Croix-Rouges 2
1007 Lausanne
Suisse
Tel. +41 21 311 10 66
Fax +41 21 311 34 58
e_choudja@hotmail.com
http://www.hirslanden.ch

Références

  1. Claes S, Vereecke E, Maes M, Victor J, Verdonk P, Bellemans J. Anatomy of the anterolateral ligament of the knee. J Anat. 2013 Oct;
    223(4):321-8.
  2. Segond P. Recherches cliniques et expérimentales sur les épanchements sanguins du genou par entorse. Progrès Médical (Paris) : 1-85, 1879. Disponible sur http://www.patrimoine. edilivre.com/recherches-cliniques-et-experimentales-surles-epanchements-sanguins-du-genou-par-entorse-parpaul-segond-segond-paul-ferdinand-dr-1879-ark-12148-bpt6k5712206r.html.
  3. Claes S, Luyckx T, Vereecke E, Bellemans J. The Segond fracture: a bony injury of the anterolateral ligament of the knee. Arthroscopy. 2014 Nov;30 (11):1475-82.
  4. Hughston JC, Andrews JR, Cross MJ, Moschi A. Classification of knee ligament instabilities. Part I. The medial compartment and cruciate ligaments. J Bone Joint Surg Am. Mar 1976;58(2):159-172.
  5. Hughston JC, Andrews JR, Cross MJ, Moschi A. Classification of knee ligament instabilities. Part II. The lateral compartment. J Bone Joint Surg Am. Mar 1976;58(2):173-179.
  6. Terry GC, Hughston JC, Norwood LA. The anatomy of the iliopatellar band and iliotibial tract. Am J Sports Med. 1986;14:39-45.
  7. Daggett M, Busch K, Sonnery Cottet B. Surgical dissection of the anterolateral ligament. Arthroscopy Techniques. 2016 Feb;5(1):e185-188.
  8. Daggett M, Ockuly A, Cullen M, et al. Femoral origin of the anterolateral ligament: an anatomic analysis. Arthroscopy 2016 May;
    32(5):835-41.
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  11. Sonnery-Cottet B, Lutz C, Daggett M, Dalmay F, Freychet B, Niglis L, Imbert P. The Involvement of the Anterolateral Ligament in Rotational Control of the Knee. Am J Sports Med. 2016 Feb 10. pii: 0363546515625282.
  12. Sonnery-Cottet B, Thaunat M, Freychet B, Pupim BH, Murphy CG, Claes S. Outcome of a Combined Anterior Cruciate Ligament and Anterolateral Ligament Reconstruction Technique With a Minimum 2-Year Follow-up. Am J Sports Med. 2015 Jul;43(7):1598-605.
  13. Musahl V et Al., The Influence of Meniscal and Anterolateral Capsular Injury on Knee Laxity in Patients With Anterior Cruciate Ligament Injuries. Am J Sports Med August 9, 2016, doi: 10.1177/0363546516659649.

 

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