Original article

Raffin Jérémy1, Barthélémy Jean-Claude2, Pichot Vincent2,3, Terrat Philippe4, Roche Frédéric2,3,5, Hupin David2,3,5
1 Gérontopôle de Toulouse, Institut du Vieillissement, Centre Hospitalo-Universitaire de Toulouse, 37 Allées Jules Guesdes, 31000 Toulouse, France
2 Université Jean Monnet Saint-Étienne, Mines Saint-Étienne, INSERM, SAINBIOSE U1059, F-42023, Saint-Étienne, France
3 Service de Physiologie Clinique et de l’Exercice, CHU de Saint-Etienne, F-42023, Saint-Étienne, France
4 Mutualité Française Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme SSAM, Saint-Étienne, France
5 Université Jean Monnet, Institut Présage, Chaire Santé des Ainés, F-42023, Saint-Étienne, France

Abstract

Introduction: The age-related decline of the autonomic nervous system (ANS) activity is a well-known risk factor for adverse cardiovascular outcomes that can be prevented through regular physical activity (PA) but PA engagement remains too low in older adults. The aim of this study was to investigate the effects of a 9-month brisk walking training on the ANS activity assessed through the measure of heart rate variability (HRV).

Methods: Sixty-one older adults aged 60 and over were recruited among 14 French nursing homes to participate in a randomized control trial that consisted of a 9-month brisk walking training. They were randomized into three intervention groups: 1 exercise session per week, 3 exercise sessions per week, and a control group. HRV was measured at baseline and at the 3, 6, and 9-month visits.

Results: Compared with individuals from the control group and those who exercised 1 day per week, older adults who performed 3 sessions per week exhibited a significant improvement in HRV indices of parasympathetic activity (root mean square of successive differences – RMSSD).

Conclusion: Regular PA performed 3 times per week is effective in enhancing cardiac autonomic drive in nursing home older adults aged 60 and over.

Resumé

Introduction: La diminution d’activité du système nerveux autonome (SNA) avec l’âge est un facteur de risque d’événements cardiovasculaires. L’activité physique est efficace pour prévenir cette baisse. Elle reste pourtant peu pratiquée au sein de la population âgée. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’effet d’un programme de marche rapide de neuf mois pratiqué une fois ou trois fois par semaine sur l’activité du SNA mesurée par la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC).

Méthodes: Soixante-et-un sujets âgés de plus de 60 ans sélectionnés parmi 14 établissements pour personnes âgés dépendantes (EHPAD) ont été randomisés en trois groupes: un groupe entrainé une fois par semaine, un groupe entrainé trois fois par semaine, et un groupe contrôle. Une mesure de la VFC était effectuée à l’inclusion puis à 3, 6, et 9 mois de l’intervention.

Résultats: L’étude a montré une amélioration de l’indice temporel de la VFC illustrant l’activité autonomique parasympathique pour le groupe entrainé 3 fois par semaine comparativement au groupe entrainé 1 fois et au groupe contrôle.

Conclusion: Une activité physique pratiquée trois fois par semaine est efficace pour améliorer le contrôle cardiaque parasympathique.

Mots clés: Système nerveux autonome, variabilité de la fréquence cardiaque, activité physique, vieillissement

Introduction

Le maintien de l’activité du système nerveux autonome (SNA) représente un facteur clé de prévention du risque d’événements cardio et cérébrovasculaires liés à l’âge. [1] Parmi les stratégies de prévention, l’activité physique régulière s’avère efficace pour améliorer l’activité autonomique cardiaque même après 60 ans. [2] Les données de la littérature démontrent un effet atténué mais favorable de l’exercice sur la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC). [3-5] Via notre méta-analyse, nous avons mis en évidence une relation linéaire entre la fréquence d’entrainement et les gains de VFC. [6] Malgré ces bénéfices connus, l’activité physique reste peu pratiquée au sein de la population âgée institutionnalisée. La fréquence d’intervention des professionnels en activité physique adaptée dans ces établissements est en moyenne d’une fois par semaine, ce qui semblerait trop peu pour entrainer des effets favorables sur le SNA. De plus, les études chez cette population spécifique sont peu nombreuses à ce jour puisqu’une seule étude répertoriée dans la littérature a exploré les effets d’un programme d’exercice en endurance sur l’activité autonomique cardiaque chez des personnes institutionnalisées. [7] L’objectif de cette étude était d’évaluer l’effet d’un entrainement en marche rapide pratiqué sur la VFC des sujets âgés institutionnalisés.

Methods

Critères d’inclusion

Les participants inclus remplissaient les critères suivants:
1) résident de plus de 60 ans en EHPAD de la Mutualité Française de la Loire-Haute-Loire, 2) maîtrise du français à l’écrit et à l’oral, 3) inactivité physique (moins de 150 minutes
d’activité physique régulière pratiquée par semaine),
4) rythme cardiaque sinusal (pour la mesure de la VFC), ­signature du consentement éclairé afin d’être inclus dans l’étude «Marche rapide en EHPAD» (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT03302923). [8]

Critères de non-inclusion

Les participants inclus ne présentaient aucun des critères suivants: 1) pathologies cardiaques ou respiratoires contre-indiquant la pratique d’activité physique, 2) importantes comorbidités contre-indiquant la pratique d’activité physique, 3)pathologies cardiaques diagnostiquées (insuffisance cardiaque congestive, stimulateur cardiaque, défibrillateur automatique cardiaque implanté, troubles du rythme ventriculaire graves, arythmie complète par fibrillation auriculaire, flutter atrial), empêchant l’analyse de la VFC, 4) maladies neuro-dégénératives modérées à sévères (MMS<20).

Critères d’exclusion

Les participants ne pouvaient pas prendre part à l’étude ou en ont été exclus s’ils présentaient l’un des critères suivants: 1) modifications de l’état de santé, 2) événements indésirables graves et 3) absences répétées aux séances d’entrainement.

Intervention

Groupes entrainés

Les participants des groupes entrainés (une fois et trois fois par semaine) ont suivi un entrainement en marche rapide de 9 mois, de type fractionné (Figure 1). Les participants entrainés 3 jours par semaine bénéficiaient d’un jour de repos complet entre deux jours d’entrainement. L’intensité (vitesse de marche), et le volume d’exercice étaient augmentés progressivement de 65% à 90% de FC max et de 15 à 40 min, alors que les temps de récupération étaient diminués (de 3 à 1 min). Des exercices de renforcement musculaire des membres inférieurs, d’intensité progressive, étaient ajoutés à partir du troisième mois. Une semaine de repos complet était introduite toutes les trois semaines d’entrainement. Pendant chaque séance, l’intensité, la durée, et les distances parcourues étaient monitorées par un professionnel en activité physique adaptée.

Groupe contrôle

Les participants du groupe contrôle étaient informés de poursuivre leurs activités quotidiennes normalement au cours des 9 mois d’intervention. Ils ne devaient pas s’engager dans un quelconque programme d’activité physique durant cette période.

Figure 1: Protocole d’entrainement en marche rapide

Évaluation de l’activité du SNA

La mesure de la VFC était effectuée via un enregistrement ECG de 24h. Les mesures étaient effectuées à l’inclusion, puis après trois, six, et neuf mois d’entrainement. Chaque enregistrement était effectué à un intervalle d’au moins 48h après la dernière séance d’exercice. Les participants étaient informés de ne pas pratiquer d’activité physique le jour de la mesure. Avant analyse, l’ensemble des tracés ECG étaient systématiquement relus en aveugle par un cardiologue de l’équipe afin de s’assurer de leur normalité (rythme sinusal). Le taux d’ectopie toléré était de 5%. Les tracés anormaux ont été exclus de l’analyse. Les principaux paramètres du domaine temporel ont été analysés selon les recommandations de la Task Force of the European Society, Cardiology and the North American Society of Pacing and Electrophysiology [9]: RR moyen (en ms), SDNN (écart-type de l’intervalle RR sur toute la période d’enregistrement en ms) et RMSSD (moyenne quadratique des intervalles R-R successifs en ms). SDNN renseigne sur la VFC globale tandis que RMSSD exprime la variabilité de haute fréquence principalement d’origine parasympathique. Ces analyses ont été conduites avec le logiciel HRVanalysis (SNA-EPIS, Université Jean Monnet, Saint-Étienne, France). [10]

Tests statistiques

La normalité des données a été testée via un test de Shapiro-Wilk. Si nécessaire, une transformation logarithmique fut appliquée afin de normaliser les variables ne suivant pas une distribution gaussienne. La similarité des groupes à l’inclusion sur l’ensemble des variables étudiées (âge, sexe, score GIR, RR moyen, SDNN, RMSSD, traitements par bétabloquants et neuroleptiques) a été testée avec une analyse de la variance (ANOVA). Un modèle mixte de régression linéaire a été réalisé afin de comparer l’effet de l’exercice pour chaque modalité d’entrainement (1 séance ou 3 séances par semaine) avec le groupe contrôle. Le temps d’entrainement (en mois), le groupe, et l’interaction groupe*temps furent définis comme effets fixes. Un effet aléatoire fut paramétré au niveau des sujets. Lors des analyses, le groupe contrôle fut défini comme modalité de référence. Le niveau de significativité était défini à p < 0.05. L’ensemble des tests statistiques a été effectué via le logiciel IBM SPSS Statistics 23.

Results

Inclusion

Un total de 61 participants satisfaisant les critères d’inclusion a été sélectionné pour inclure l’étude. Parmi eux, 4 se sont désistés et un participant a été exclu pour arythmie. Sur les 57 participants randomisés, 12 ont été exclus (5 abandons, 6 ECG anormaux, 1 décès). Le diagramme de flux est représenté en Figure 2.

Figure 2: Diagramme de flux

Les caractéristiques des participants à l’inclusion pour chaque groupe sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1: Caractéristiques des participants à l’inclusion. Les résultats sont présentés en moyennes et écart types.

Effets de l’exercice

L’analyse mixte a révélé un effet d’interaction groupe*temps significatif entre le groupe entrainé trois fois par semaine et le groupe contrôle, et le groupe entrainé trois fois par semaine et le groupe entrainé une fois, pour l’indice temporel RMSSD (Tableau 2, Figure 3, p < 0.05). Les autres variables du domaines temporel (RR moyen, SDNN) demeuraient inchangées.

Tableau 2: Effet de l’entrainement sur le contrôle cardiaque parasympathique (RMSSD) selon deux modalités d’entrainement. Le groupe contrôle a été défini comme modalité de référence.
Figure 3: Effet de l’entrainement sur le contrôle cardiaque parasympathique (RMSSD) selon deux modalités d’entrainement. Le groupe contrôle a été défini comme modalité de référence.

Discussion

Les résultats de cette étude révèlent un effet favorable de l’entrainement sur le marqueur parasympathique de modulation de la fréquence cardiaque pour le groupe entrainé 3 fois par semaine.
Ces données corroborent les résultats issus de la littérature démontrant une augmentation de l’activité parasympathique suite à un exercice régulier chez les participants de plus de 60 ans.[3–5] Elle démontre que même à un âge très avancé, il est possible d’obtenir un effet favorable de l’exercice si la fréquence des séances est suffisante. En effet, seul le groupe s’entrainant trois fois par semaine a bénéficié d’une amélioration de l’activité autonomique cardiaque. Par conséquent, il s’avère qu’une seule intervention hebdomadaire d’activité physique comme cela est le plus souvent pratiqué en EHPAD est une dose insuffisante pour être bénéfique. Cet effet de la fréquence d’exercice est en accord avec les résultats de notre méta-analyse compilant les données de douze études menées chez les sujets de plus de 60 ans dans laquelle nous démontrons une relation linéaire positive entre les gains de VFC et la fréquence d’entrainement. Les protocoles comprenant trois, quatre, et jusqu’à cinq séances hebdomadaires conduisent aux meilleurs résultats.[6]

Intérêts et limites

Nous avons démontré un effet favorable de l’exercice avec l’amélioration du paramètre temporel de la VFC illustrant l’activité parasympathique. Un second intérêt se situe dans la prise en charge d’une population très âgée et institutionnalisée, peu étudiée à ce jour.
Une première limite à nos investigations réside dans la taille relativement petite de nos groupes d’étude. Cela explique probablement l’hétérogénéité retrouvée pour certains paramètres de VFC à l’inclusion, bien que celle-ci soit non significative. En effet, il est possible que les participants ayant les valeurs de VFC les plus altérées soient les plus susceptibles de progresser. En ce sens un échantillon plus important permettrait une appréciation et une modélisation plus juste des réponses à l’entrainement sur notre population en atténuant l’hétérogénéité intergroupe. Par ailleurs, la petitesse de l’échantillon est également explicable par le caractère restrictif de nos critères d’inclusion. L’autonomie à la marche, l’absence d’anomalie de la rythmicité cardiaque, ainsi que l’absence de troubles cognitifs représentent trois critères majeurs qui, lorsqu’ils sont combinés, font chuter considérablement le nombre de participants recrutables en EHPAD. Enfin, la tranche d’âge de la population incluse dans notre étude est très étendue. Les réponses et la tolérabilité à un entrainement aérobie chez des personnes âgées de 60 à 70 ans sont certainement différentes de celles de personnes âgées de 80 ans et plus. Également, il est probable que ces réponses ne soient pas linéaires, mais que les progrès modélisés dans ce travail s’atténuent progressivement avec le temps, atteignant un plateau au bout d’une certaine période d’entrainement. Dans notre étude, le choix d’un modèle de régression linéaire mixte a été néanmoins préféré à l’ANOVA pour pallier les quelques mesures manquantes.

Conclusion

Une activité physique de type marche rapide, associée à des exercices de renforcement musculaire pratiquée trois fois par semaine permet l’amélioration du contrôle cardiaque parasympathique chez le sujet âgé de plus de 60 ans institutionnalisé.

Practical implications

– Même à un âge très avancé, il est possible d’obtenir un effet favorable de l’exercice si la fréquence des séances est suffisante.
– Par conséquent, une seule intervention hebdomadaire d’activité physique comme cela est le plus souvent pratiqué en EHPAD est une dose insuffisante pour être bénéfique.
– Il existe une relation linéaire positive entre les gains de VFC et la fréquence d’entrainement.

Acknowledgments, conflict of interest and ­funding

L’étude Marche rapide en EHPAD (promotion Mutualité Française Loire-Haute-Loire) a reçu un financement en 2015 de la Fondation Matmut Paul Bennetot sous l’égide de la Fondation de l’Avenir.
Les auteurs remercient le directeur général Monsieur Rémi Bouvier, la directrice des soins Madame Claude Montuy Coquard et la coordinatrice des projets Madame Lallia Faverjon de la Mutualité Française Loire, Haute Loire, Puy de Dôme SSAM pour leur soutien.

Corresponding author

Jérémy Raffin
Centre Hospitalo-Universitaire de Toulouse
Gérontopôle de Toulouse, Institut du Vieillissement
37 Allées Jules Guesde, 31000 Toulouse, France
Tel: +33 6 82 74 49 38
E-mail: jeremy.raffin@live.fr 

Références

1. Barthelemy JC, Pichot V, Hupin D, Berger M, Celle S, Mouhli L, Back M, Lacour JR, Roche F. Targeting autonomic nervous system as a biomarker of well-ageing in the prevention of stroke. Front Aging Neurosci. 2022;14:969352. doi:10.3389/fnagi.2022.969352. Cited in: Pub­med; PMID 36185479.
2. Raffin Jérémy. Thèse de doctorat de l’Université de Lyon en Biologie et Physiologie de l’Exercice. Effets d’un programme de marche rapide sur le système nerveux autonome chez le sujet âgé en EHPAD, Effet additif de la neurostimulation transcutanée du SNA. Soutenue publiquement le 29/10/2019.
3. Okazaki K. Dose-response relationship of endurance training for autonomic circulatory control in healthy seniors. J Appl Physiol. 2005 Sep 1;99(3):1041-9.
4. Pichot V, Roche F, Denis C, Garet M, Duverney D, Costes F, et al. Interval training in elderly men increases both heart rate variability and baroreflex activity. Clin Auton Res. 2005 Apr;15(2):107-15.
5. Madden KM, Lockhart C, Potter TF, Cuff D. Aerobic training restores arterial baroreflex sensitivity in older adults with type 2 diabetes, hypertension, and hypercholesterolemia. Clin J Sport Med Off J Can Acad Sport Med. 2010 Jul;20(4):312-7.
6. Raffin J, Barthélémy J-C, Dupré C, Pichot V, Berger M, Féasson L, et al. Exercise Frequency Determines Heart Rate Variability Gains in Older People: A Meta-Analysis and Meta-Regression. Sports Med [Internet]. 2019 Apr 3; Available from: https://doi.org/10.1007/s40279-019-01097-7
7. McKune AJ, Peters B, Ramklass SS, van Heerden J, Roberts C, Krejcˇ í J, et al. Autonomic cardiac regulation, blood pressure and cardiorespiratory fitness responses to different training doses over a 12 week group program in the elderly. Arch Gerontol Geriatr. 2017 Jun;70:
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