Opinion Editorial 1-2023

Les images saisissantes du footballeur Christian Eriksen ­allongé sur le terrain, victime d’un arrêt cardiaque en plein match de l’Euro en juin 2021, sont encore présentes dans les mémoires. Curieusement, un événement ultérieur a fait couler autant voire plus d’encre. En mars 2022, moins d’un an après son expérience de mort imminente très médiatisée, il est revenu sur le terrain avec un défibrillateur cardiaque implantable. Cette séquence d’événements illustre une tendance importante des deux dernières décennies en cardiologie du sport, et plus généralement en médecine du sport concernant la prise en charge des sportifs/patients présentant une pathologie potentiellement à haut risque. Plus précisément, nous sommes passés d’une approche conservatrice et restrictive à une approche qui permet aux athlètes de participer aux décisions concernant leur désir poursuivre le sport suite à un diagnostic aux conséquences potentiellement létales. L’objectif global de cette nouvelle stratégie est d’équilibrer les préférences des patients avec les risques et les avantages de l’activité physique. Cette tendance va de pair avec l’évolution de la relation médecin-patient dans laquelle on s’éloigne du paternalisme universel vers un modèle respectueux de l’autonomie du patient.
Les recommandations originales du noyau de cardiologie du sport de l’ESC ont été publiées en 2005,[1] et révisées récemment en 2020.[2] Publiée dans le European Heart Journal, cette récente mise à jour concerne à la fois les sports de compétition et les sports de loisirs. Il est important de noter que ces recommandations sont dans l’ensemble encore marquées par le manque de données «evidence-based» en cardiologie du sport, et basées quasi exclusivement sur des avis d’experts. Cependant, l’expérience internationale collective montre que le risque de participation sportive avec de nombreuses formes courantes de maladies cardiaques est plus faible qu’on ne le croyait auparavant. En outre, on reconnaît de plus en plus les nombreux avantages pour la santé de la participation sportive, même chez les patients/athlètes atteints de certaines formes de maladies cardiaques. En tant que professionnels de la santé, nous avons maintenant le devoir d’impliquer les patients/athlètes dans la prise de décision.[3] Ce processus, connu sous le nom de prise de décision partagée, nécessite de fournir des informations sur les avantages de l’exercice physique régulier et sur les risques potentiels à court et à long terme associés à la poursuite de la participation sportive.[4] Il permet finalement au médecin d’aider le patient/athlète à déterminer le meilleur rapport bénéfice/risque pour sa situation clinique spécifique. Le processus de prise de décision partagée exige que le médecin fournisse des informations médicales objectives, reconnaisse les incertitudes médicales en l’absence de données, explique les options de traitement et délimite les risques et les avantages du retour à l’exercice et à l’athlétisme de compétition. Ce modèle nécessite une grande interactivité entre les deux interlocuteurs lors des différentes étapes de la prise de décision partagée, mais facilite in fine le développement d’un véritable partenariat entre médecin et patient. Les résultats cliniques, à la fois favorables et défavorables, de l’application de la prise de décision partagée pour les questions d’aptitude à la pratique sportive restent inconnus à ce jour et représentent un domaine important de travaux futurs.

Correspondance

Pr Dr Aaron L. Baggish
Professor of Medicine and Sports Science
Institut des sciences du sport (ISSUL)
Université de Lausanne
Synathlon 2416, Unil-Centre
1015 Lausanne
e-Mail: aaronleigh.baggish@unil.ch


Pr Vincent Gremeaux
Médecine du sport et de l’exercice et
Médecine Physique
Swiss Olympic Medical Center
CHUV – Dpt de l’Appareil
Locomoteur (DAL)
Av. Pierre-Decker 4, CH-1011 Lausanne
Tél.: +41 (0)21 314 9406
e-Mail: vincent.gremeaux@chuv.ch
http://www.chuv.ch/sport

Références

1. Pelliccia A, Fagard R, Bjornstad HH, et al. Recommendations for competitive sports participation in athletes with cardiovascular disease: a consensus document from the Study Group of Sports Cardiology of the Working Group of Cardiac Rehabilitation and Exercise Physiology and the Working Group of Myocardial and Pericardial Diseases of the Euro­pean Society of Cardiology. European heart journal. 2005;26(14): 1422-1445.
2. Pelliccia A, Sharma S, Gati S, et al. 2020 ESC Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease. European heart journal. 2020.
3. Baggish AL, Ackerman MJ, Lampert R. Competitive Sport Participation Among Athletes With Heart Disease: A Call for a Paradigm Shift in Decision Making. Circulation. 2017;136(17):1569-1571.
4. Baggish AL, Ackerman MJ, Putukian M, Lampert R. Shared Decision Making for Athletes with Cardiovascular Disease: Practical Considerations. Current sports medicine reports. 2019;18(3):76-81.

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