Safeguarding, l’union fait la force, la division cause la chute
Gojanovic Boris1,2,3, Clénin German E.3,4
1 Hôpital de La Tour, Swiss Olympic Medical Center, 1217 Meyrin
2 Sport & Exercise Medicine Switzerland (SEMS)
3 Health4Sport, Berne
4 Sportmed. Zentrum Ittigen b. Berne
“Together we stand, divided we fall” – Roger Waters, Pink Floyd
Le scandale des abus sportifs en Suisse a maintenant presque quatre ans. C’est long, dira-t-on. Cela dépend probablement du point de vue. Pour un·e athlète qui subit des manquements à la protection dans son environnement sportif quotidien, cela peut sembler une éternité. Pour les fédérations sportives, ce délai peut être plus familier et acceptable, un peu comme un cycle olympique. Qu’en est-il pour vous?
En octobre 2023, Sport & Exercise Medicine Switzerland (SEMS) a choisi le «safeguarding» comme thème principal de son congrès annuel. Consciente de l’urgence absolue de trouver des solutions pour protéger la santé et le bien-être des athlètes, la SEMS a confié le contenu du congrès au groupe Health4Sport (H4S), l’alliance des médecins, physiothérapeutes, psychologues et diététiciens du sport suisse. Grâce au dévouement et aux contacts des membres de H4S, nous avons été en mesure d’attirer un grand nombre des principaux acteurs du safeguarding dans le sport, au niveau national et international, pour une audience record de plus de 400 participants.
Le contenu de ce numéro sur la protection dans le sport a été inspiré par les présentations et les discussions qui ont eu lieu à Interlaken, et nous sommes très reconnaissants à toutes les personnes qui ont pris le temps, malgré leur emploi du temps chargé, d’y contribuer. Tout d’abord, nous souhaitons remercier les intervenants internationaux invités au congrès et les auteurs, Nicola Phillips (Université de Cardiff, Pays de Galles, Royaume-Uni), Margo Mountjoy (Groupe de travail du CIO sur la prévention du harcèlement et des abus dans le sport), et Chiel Warners (Safe Sport International). Ensuite, nous sommes très reconnaissants à Swiss Olympic (groupe éthique) et à Swiss Sport Integrity qui nous apportent des informations actualisées en provenance de Suisse. En outre, vous trouverez des informations précieuses sur la psychologie du sport (Hindi & Chappuis, Piffaretti et al.) et la psychiatrie (Schmidt et al.), ainsi que sur la médecine du sport (Schaub et al.).
Vous pourrez également lire les interviews des deux représentants légaux du congrès (Thilo Pachmann et Bettina Aebi), ainsi que l’opinion de la présidente de Swiss Coach, Andrea Zryd.
Nous avons également capturé l’intégralité de la table ronde d’Interlaken, animée avec l’aide de Joelle Flück (Société suisse de nutrition du sport).
Commencez par le POURQUOI et lisez la «Parole à l’athlète» par Marine Winckelmann
En tant que cliniciens, nous avons tous besoin de réfléchir sérieusement aux raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons. Quelque part, nous faisons notre travail parce que nous nous soucions de la santé et du bien-être et que nous comprenons que la beauté, à première vue pure et parfois épuisante, de la performance sportive doit trouver un équilibre acceptable avec ces deux éléments clés pour tous les êtres humains: la santé et le bien-être.
Dans une lettre très forte, l’ancienne gymnaste d’élite nous raconte son expérience et nous fait découvrir les conséquences d’un environnement sportif toxique. Elle donne également quelques conseils essentiels aux cliniciens: «Ce dont j’avais vraiment besoin, c’était que les professionnels de la santé […] me disent qu’il est compréhensible de se sentir ainsi dans ce contexte, mais que cet état n’est pas normal et qu’ils vont m’aider à en sortir.»
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucun·e jeune athlète ne devrait avoir l’impression que ceux qui se préoccupent de sa santé et de son bien-être le·la laissent tomber.
Nous ne pouvons pas détourner les yeux des problèmes complexes
Résoudre la question de l’éthique dans le sport n’est pas une tâche facile. Personne n’a jamais dit que c’était facile. Il y a tant de domaines qui doivent être abordés, comme le montrent les 13 points de H4S. Mais nous ne pouvons pas nous soustraire à la complexité. Il faut simplement la décomposer et prendre des mesures dans la bonne direction, de manière systématique.
L’éducation de toutes les parties prenantes doit faire partie de cette démarche. Des cliniciens aux entraîneurs, des parents aux athlètes, des instances dirigeantes aux directeurs sportifs, etc. Mais avant toute chose, il faut une vision partagée par toutes les parties concernées. Une vision qui puisse unir le monde du sport. Aucun·e athlète ne devrait être victime d’une quelconque forme d’abus. Et si nous devons nous concentrer sur les athlètes, en particulier lorsqu’ils ou elles sont mineur·e·s, nous ne devons pas oublier que les victimes peuvent également appartenir à d’autres groupes de parties prenantes.
Une vision commune peut aider à aligner les projets et les actions, à bénéficier de synergies et de compétences interdisciplinaires, et c’est ce que la SEMS, en collaboration avec Health4Sport, préconise. Le reste dépend de nous.
Voici peut-être vos prochaines étapes
- Si vous n’avez pas pu assister au congrès, nous sommes convaincus que ce recueil d’articles vous donnera une bonne idée des principaux domaines qui requièrent votre attention. Nous vous invitons donc à le lire attentivement. Il se peut que vous puissiez apporter votre contribution ici ou là.
- Renseignez-vous dès maintenant sur le safeguarding (le site du CIO propose de bonnes ressources), sachez ce que disent la Charte pour l’éthique dans le sport (figure), les Statuts olympiques suisses sur l’éthique dans le sport suisse [1], et la Charte pour l’éthique de la SEMS.
- Commencez peut-être par poser des questions simples sur la santé mentale lors de vos consultations (et utilisez les questionnaires créés par la SEMS pour les examens médico-sportifs (voir l’article de Schaub et al.).
- Vous pouvez vous renseigner auprès des organisations sportives locales sur leur approche du safeguarding et leur offrir votre aide.
- Travaillez-vous de manière interdisciplinaire? Avec des physiothérapeutes du sport, très probablement. Qu’en est-il des psychologues du sport et des spécialistes en nutrition? Si ce n’est pas le cas, trouvez-en un ou deux et commencez à collaborer.
- Lorsque les symptômes et les plaintes des athlètes sont un peu bizarres, lorsque vous pensez qu’il peut y avoir une cause psychosomatique, lorsque les choses ne se passent tout simplement pas comme elles le devraient pour un·e athlète, sans explication évidente, pensez aux abus potentiels et partez de là.
- Si quelqu’un s’ouvre, ne serait-ce que légèrement, à propos d’une situation délicate qui enfreint les normes éthiques, ne le·la laissez pas tomber. Écoutez attentivement et agissez. Swiss Sport Integrity peut vous aider, appelez-les.
Quatre ans se sont écoulés depuis les premiers reportages des médias suisses sur les abus dans le sport, mais les violations des principes du safeguarding et de l’éthique dans le sport sont plus anciennes que cela. On ne peut pas nous demander d’assumer la responsabilité de ce qui s’est passé dans le passé, mais nous devons ensemble assumer ce qui vient à partir de maintenant. Un avenir du sport où la vision promue par H4S peut aider les athlètes et leur entourage à s’épanouir:
«Tous les athlètes en Suisse peuvent pratiquer leur sport dans la meilleure santé mentale et physique possible, tout en visant la performance, avec plaisir et passion, et sont bien et durablement protégés contre les abus.»
Correspondance
Boris Gojanovic
Hôpital de La Tour, médecine du sport
av. J.-D. Maillard 3
1217 Meyrin (GE)
E-Mail: boris.gojanovic@latour.ch
German Clénin, Dr. med., 
Berne-Ittigen, Suisse
german.clenin@smzbi.ch
Référence
1. Swiss Olympic Statutes on Ethics in Swiss sport. Swiss Olympic, January 1st, 2022. https://www.swissolympic.ch/verbaende/werte-ethik/ethik-statut, accessed on March 8th, 2024.